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Arts, Médiations et scènes aujourd’hui

Programme sous la direction de Gilles Suzanne

Si je dis « à ce jour », c’est comme s’il y avait une lueur d’espoir, or l’obscurité est totale.

Julien Blaine, introd@ction à la Performance, Incertains Regards n°7, 2017.

Les réflexions sur l’art ne se déploient jamais sans évoquer une communauté en devenir, une communauté émancipée, synthèse d’une humanité réconciliée et fraternelle. Seul hic, la représentation est rarement partagée, et pour tout dire n’est peut-être qu’une chimère de plus sans passé, ni présent, ni avenir.

Arts, Médiations et scènes aujourd’hui

À l’articulation des dynamiques multilatérales et des mutations contemporaines de l’art dans le monde, le programme « Arts, Médiations et Scènes aujourd’hui » s’attachera à repérer, analyser, questionner et théoriser, non seulement les œuvres d’art produites et exposées aujourd’hui, mais également les pratiques multiples de leur médiation et les modes de réactions/perception des publics face aux pratiques contemporaines. Soit une étude des relations entre les œuvres, les regards qui s’exercent sur elles, et leur valeur sémiotique. Une étude qui s’attachera, entre autres, aux formes qui induisent un dissensus.

Ainsi, la complexité ressentie au contact de certaines œuvres au format renouvelé, imprévisible, inhabituel, inter ou transculturel ; l’incompréhension qu’elles suscitent souvent liée à des codes culturels non maîtrisés et/ou une hybridation des pratiques (nouvelles techniques, pratiques croisées, polyvalence des lieux de manifestation et d’exposition…) ; la peur, voire le rejet qu’elles induisent dans l’espace public et parfois la violence qu’elle génère au point de fragiliser celui-ci ; la diversité des langages, des mondes et des dispositifs d’institutions, de politiques, d’acteurs et de lieux, culturels qui leur servent de cadres et de contexte d’effectuation… forment l’humus d’un corpus d’œuvres sans cesse réactualisé au gré des scandales, des réactions institutionnelles, des manifestations émotionnelles qui concernent aussi bien le spectateur, l’œuvre que son créateur.

Reste que ce qui fait « violence » au regard et encourage un « droit de regard » de l’institution, d’État ou associative, ne vaut pas de la même manière pour chaque singularité.

Aussi, et d’évidence, si la complexité esthétique (« l’expression intellectuelle » dirait Duchamp) peut être l’un des constituants à l’endroit duquel se développe une « menace » qui s’exerce sur la représentation collective de ce que devrait être l’art (« l’expression animale » dirait-il encore) et son reflet à travers les œuvres ; le manque d’épaisseur conceptuelle, le simplisme et l’artificialité de certaines productions, les préjugés sur l’horizon d’attente des publics et l’allégeance des pratiques artistiques à l’industrie culturelle sont ainsi, de la même manière, des motifs de mise en crise de ce qui a été donné, initialement, comme essentiel à la « communauté » afin de la souder et d’en faire l’un des constituants des espaces sociétaux.

Paradoxalement, pour partie la fragilisation de l’espace social via la division de ses publics et de ses agencements polymorphiques relève donc tout autant de la complexité que de l’appauvrissement de l’expérience esthétique. Et ce parce que les frontières entre Culture et Art sont dans un perpétuel déséquilibre, un flou constant, empirique ou volontaire, où le renoncement politique, le développement de l’intérêt idéologique, l’envahissement moral et la contagion confessionnelle ont substitué à l’enjeu « d’accueillir ce que la pensée n’est pas préparée à penser » (Cf. Jean-François Lyotard), la référence identitaire articulée logiquement au conservatisme du collectif qui se nourrit d’une pensée molle mais active.

Ces débats vifs sur la place de l’art dans l’espace social sont loin d’être eurocentrés à une époque où la mondialisation tend à faire de tout ou partie du monde un « village global ». Partageant ceux-ci, les membres de ce programme développeront une recherche en privilégiant une approche ouverte qui tienne compte du croisement d’une temporalité et d’une spatialisation.

Il s’agira donc de s’inscrire dans un « avant » la réalisation de l’œuvre (entretien avec le créateur, enquête sur les conditions de production et/ou de médiation de l’œuvre, généalogie d’un processus d’écriture et d’un geste de création, pratiques de la médiation des arts…) et un « après » la présentation de l’œuvre (réception publique, perception critique, effet sur le champ sociétal…). Et ce en tenant compte des différents modes de création, de médiation et d’exposition de l’œuvre (espace institutionnel, espace urbain, espace social…) qui exercent une influence sur les processus sémiotiques à l’œuvre sur l’œuvre.

L’objectif du programme étant de proposer à terme une « lecture » critique de ce qui, de la fabrique de l’œuvre, en passant par la fabrique du commun ou pas, constitue la marque de fabrique de la pensée humaine.