Louise VIGNAUD

Qu’est-ce qui fait politique au théâtre ? C’est l’enjeu de ce doctorat « Pratique et théorie de la création littéraire et artistique », dirigé conjointement par Yannick Butel, Professeur des universités en arts de la scène et esthétique, et Éric Ruf, administrateur général de la Comédie Française, comédien, metteur en scène et scénographe, et qui vise à interroger la vulnérabilité comme outil dramatique au service d’une théâtralité engagée. Si la notion de théâtre politique est souvent associée à un théâtre dit du réel, lié à un sujet d’actualité, qu’il soit documentaire ou non, ou encore à un théâtre à message ou à thèse, plus ou moins souligné, il n’en reste pas moins qu’il est soumis à de multiples définitions ou amalgames, comme a pu l’étudier récemment Olivier Neveux. Dans Contre un théâtre politique, il revient au théâtre comme lieu de représentation où la question politique se dessine dans les signes qu’il construit. Cette définition s’inscrit dans la tradition marxiste et brechtienne, selon laquelle l’expression de la misère humaine passe par une représentation critique de la lutte des classes, grâce à une mise à distance du texte par le langage scénique. Or le théâtre, par son usage du sensible, est aussi un lieu d’empathie. Grâce à la fable, et à son incarnation, il se fait l’expression d’une vulnérabilité non pas antagoniste au développement d’une pensée politique, mais au contraire caractéristique des rapports humains – dont la mise en représentation est politique. Parce qu’il passe par le vivant, par le sensible, le théâtre propose pendant la représentation de renouer avec l’incertitude et la fragilité. Un théâtre qui viendrait travailler la vulnérabilité poserait alors la question de l’intranquillité du spectateur en tant qu’être humain et être social : qui est-il ? comment agit-il ? quelle est sa place dans la communauté ? à quelle image de lui-même est-il confronté ? qu’accepte-t-il de regarder ? La problématique est alors d’articuler cette vulnérabilité au politique, qui surgirait non seulement de la gestion du signe, mais aussi du sensible et de l’empathie. Il s’agira au cours de ce doctorat de mettre en perspective l’écriture de la fable et les instruments de sa mise en jeu, en prenant appui sur une création théâtrale prévue à l’été 2026 puis en tournée en 2027, pour tenter de définir une autre manière d’aborder le politique au théâtre par ce qu’on pourrait alors nommer un « théâtre de la compassion ».