Daphné GUEZ
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Thématiques de recherche
médiation culturelle,art contemporain,muséologie
Titre de la thèse
L’œuvre contemporaine dans son espace d’exposition : nature, sens, perception et discours
Sujet de la thèse
Problématique :
La médiation culturelle est un élément clé du monde muséal. Elle est envisagée comme un ensemble de pratiques essentielles à la découverte de l’œuvre d’art contemporaine. L’oeuvre d'art contemporaine, quant à elle, est très largement représenté dans les collections muséales. Elle représente, paradoxalement, un type de réalisation artistique difficile d’approche sur le plan de la réception. L’ambition de cette thèse consiste à dresser un état des lieux des pratiques de la médiation culturelle de l'oeuvre d'art contemporaine et d'en préciser ses interactions avec son lieu d'exposition. Plus particulièrement, ce travail s’attachera à analyser la nature et le rôle de la médiation culturelle (acteurs, pratiques et logiques d’action) dans les protocoles muséographiques et les processus de réception. Le principal bénéfice épistémologique de ce travail de recherche concernera le champ de l’esthétique et de la médiation culturelle. Le corpus étudié permettra de faire un point sur l’état des productions en la matière et d’en revisiter les résultats essentiels du point de vue de l’esthétique.
Contextualisation du sujet dans le champ de recherche/ Apport de votre recherche dans le champ existant :
L’oeuvre contemporaine, présente dans de nombreuses réalisations artistiques place médiateurs culturels de l’art et établissements culturels devant un véritable défi (Schiele, Boucher, 2001). Controversé d’un point de vue critique, ce type de réalisations artistiques est source, pour une part non négligeable du public, de ce que Yves Michaux appellerait un « désarroi critériologique », voire, comme Nathalie Heinich l’a décrit, de différentes formes de « rejet » de l’art contemporain (Heinich, 1999 ; Jaret, 2018). L’enjeu de cette recherche consiste à documenter des pratiques de médiation – écrite et discursives, tout autant qu’incarnées dans des dispositifs plus ou moins techniques -, qui s’appliquent à ce type d’objets artistiques. Il vise également à cerner quels en sont les présupposés et les cadres de références (entre autres, esthétiques) qui valent pour les professionnels de la médiation ? Nous chercherons, enfin, quelles sont les incidences de ces pratiques sur le rapport à l’art (UQAM, 2014). Une connaissance plus fine des enjeux esthétiques et culturels liés à la médiation de ce type d’objets artistiques accompagnerait certainement professionnels et établissements muséaux à répondre d’une manière plus assurée aux problématiques liant propriétés du lieu d'exposition et oeuvre contemporaine. Elle permettra, par ailleurs, de revenir sur les principales théories de la médiation.
L’objet de recherche que nous souhaitons documenter fait appel à différents travaux de recherche qui ont été menés dans le domaine de la médiation culturelle de l’art contemporain (Lacerte, 2004). Cependant, très peu de publications (articles ou ouvrages en noms propres ou collectifs) traitent dans le détail cette question dans la création contemporaine. Bien sûr, des travaux fondateurs d’Élisabeth Caillet (Caillet, 1995) jusqu’à des recherches plus récentes (Saez, 2018), différents apports théoriques pourront soutenir notre démarche. Ils nous renseigneront sur les enjeux théoriques propres au champ de la médiation (Caillet, 2013 ; Joli-cœur, 2007). Ils pourront également nous permettre d’identifier différents espaces de problématisation de la médiation que nous revisiteront sur la base de notre terrain d’enquête. Il sera alors question de nous interroger sur le métier de médiateur au prisme des pratiques et des discours de la médiation qui s’appliquent aux objets artistiques qui nous intéressent (INSET, OCIM, 2014). Nous pourrons également vérifier comment et dans quelle mesure ces pratiques redéfinissent (peu ou de manière majeure) la ligne de partage entre médiation et animation culturelle. Au-delà de ces aspects plus proches de la sociologie, nous chercherons à identifier à quelles esthétiques ces théories de la médiation de l’art contemporain font référence (Caillet, Fradin, Rock, 2000 ; Ceva, 2004). Ce point, tout particulièrement important, nous permettra de toucher au plus près des questions centrales de notre travail de thèse. Il s’agira, en effet, de déterminer comment, dans ce cas, les théories de la médiation se posent la question de l’œuvre. Cela étant dit, il nous importera également de situer notre objet dans le champ de l’étude des musées. Les productions artistiques auxquelles nous souhaitons nous intéresser sont en grande partie conservées et exposées dans des musées. Il sera donc de la plus grande importance de contextualiser et de problématiser nos avancées eu égard à ces productions en prenant en compte les acteurs, les logiques d’action et les pratiques les plus actuelles des établissements muséaux. Ce sera ainsi l’occasion de nous interroger sur les attendus des pratiques de médiation que nous étudierons du point de vue des politiques culturelles (Béliveau-Paquin, 2008).
Le caractère de cette recherche sera éminemment interdisciplinaire. À l’esthétique, nécessaire à penser le rapport à l’objet artistique, mais aussi à la philosophie, qui nous permettra de nous interroger du point de vue d’une subjectivité propre au spectateur, différentes traditions épistémologiques – sociologie, psychologie et histoire culturelle - renforceront notre propos et nous permettront d’observer notre objet d’étude sous différents angles.
L’apport de cette recherche doctorale est quadruple :
- empirique : identifier et documenter des pratiques de médiation culturelle, y compris discursives et indirectes, qui portent actuellement sur les objets artistiques pris en référence.
- théorique : ressaisir la bibliographie existante en matière de médiation culturelle depuis la question de la médiation en art contemporain pour en redéfinir les apports.
- esthétique : étudier le type de rapport à l’art qu’induisent les pratiques et les discours de médiation qui s’appliquent actuellement aux œuvres contemporaines.
- professionnel : apporter une expertise aux professionnels de la médiation culturelle (chargés de médiation, guides-conférenciers, commissaires d’exposition, de manière générale pour tous les intervenants culturels en art contemporain) et aux institutions muséales, pour leurs services pédagogiques ou des publics.
Cadrage théorique :
Les théories de la médiation culturelle placent la question de « l’interprétation » au cœur de leurs schématisations (Caune, 2010 ; Lamizet, 1998). Elles ont fait du rapport à l’art tout à la fois le principe actif et le lieu d’une signifiance. De sorte qu’à l’objet artistique, le plus souvent envisagé lui-même comme un discours, se superpose le discours du médiateur ou des dispositifs de médiation (fiches de salles, audio-guides…). La médiation risquant dès lors de s’ajouter comme un écran supplémentaire, une couche de sens, entre le sujet et l’objet, plutôt que d’en favoriser l’accès ou de privilégier un accès plus naturel. Il s’agira ainsi de revenir d’un point de vue esthétique sur ce qui fait œuvre dans ce type de réalisations artistiques. Plus avant, de nous interroger sur la manière dont ce qui fait œuvre est pris en charge par la médiation. Ce qui représente un autre défi du point de vue de la médiation, et tout autant des théories de la médiation, puisque ces objets manufacturés se laissent difficilement réduire à un discours. Peut-être, parcourant l’ensemble des travaux existants, entre la France et le Québec, ce dernier espace de production au sujet de la médiation s’étant révélé tout particulièrement prolixe en la matière, pourrons-nous nous interroger sur d’autres manières de définir l’œuvre. D’une façon peut-être moins exclusivement axée sur son sens. Pour qu’en découlent d’autres conceptions du rapport à l’art. Puisque c’est évidemment de rapport à l’art dont il sera question. Ce sera alors peut-être l’occasion de s’interroger sur la nature de l’expérience sensible visée par les professionnels de la médiation et les établissements muséaux dans lesquels ils exercent.
Les premières pistes de recherche concernant cette étude s’organiseraient autour de trois angles d’approche distincts :
1- Construction et stratégie du discours de médiation
Nous nous intéresserons aux pratiques de la médiation et aux stratégies de discours qu’elles concrétisent. Nous pourrons, dès lors, nous demander à quelles attentes des publics le musée suppose-t-il qu’elles répondent.
Nous documenterons les stratégies de médiation des musées en nous demandant si ces derniers n’ont pas adopté trop vite l’idée que l’objet incarnerait une réalité ontologique restrictive ; ou bien s’il est encore possible de concevoir l’objet sur d’autres bases esthétiques.
En termes de pratiques de la médiation, nous chercherons à savoir si ces dernières parviennent à orienter le spectateur vers le potentiel conceptuel tout en conservant la présence et la matérialité de l’œuvre. Ou bien si l’objet s’efface au profit du discours muséal. Nous aborderons ainsi la thèse d’une ambivalence signifiante de l’objet à la fois dans la perception matérielle/idéelle mais aussi spatiale et chronologique (en considérant l'oeuvre dans ses différentes existences : moment de création / moment de l'exposition).
Au sujet du cartel ou de tout autre texte accompagnant l’œuvre, nous étudierons aussi la manière dont le médiateur pourra l’insérer au discours de médiation reliant ainsi l’œuvre au langage. En prenant en considération le questionnement sémantique de Goodman entre description et image artistique, il sera intéressant de comprendre le cadre de référence par lequel le spectateur prend connaissance de l’œuvre, c’est-à-dire l’ensemble des symboles qui sont ainsi activés à travers la présentation muséale et qui finissent d’achever « le mythe de l’œil innocent ». Cette contextualisation - et plus encore ce fonctionnement - particulièrement essentiel à la définition des ready made permet de définir quand un objet fait œuvre d’art (Goodman, 1976). Cet outil langagier utilisé par les musées était cependant déjà remis en cause par Goodman lui-même estimant que ces relations symboliques entre le spectateur et l’œuvre « dépassent les frontières langagières d’une œuvre d’art » (Smolianskaia, 2008).
Enfin, nous aborderons la question connexe de la remise en cause de l’autorité muséale au sein même du discours de médiation ; et particulièrement de l’influence de l’institution muséale sur « ce qu’est » une œuvre d’art. La problématique de l’indissociabilité de l’œuvre (objet manufacturé) et de son existence intrinsèquement liée ou non à l’espace muséal (Éloy, 2010).
2- Nous envisageons, à partir des données recueillies sur le terrain, de nous intéresser au rapport œuvre-spectateur. Il sera pertinent de s’interroger sur la manière dont les médiateurs et les musées se figurent les éventuels préjugés ou réticences tels que le refus de concevoir l’objet comme œuvre d’art, la dévalorisation ou encore l’impression d’incompatibilité entre l’oeuvre et le site muséal sacralisé. D’autre part, nous nous interrogerons sur ce que médiateurs et musées mettent en place pour favoriser la familiarisation du spectateur avec l’oeuvre exposée.
3- Recherche-action
Enfin, nous proposerons une étude connexe consacrée à une collaboration avec une institution culturelle ou muséale proposant une étude de terrain autour de la mise en place d’un projet de médiation / commissariat d’exposition en lien avec le sujet de cette thèse. (cf. infra « Séjours de recherche éventuellement prévus »).
Soutenue en
Date de 1ère inscription
1 octobre 2021
Directeur·rice
Gilles SUZANNE
Université d’origine
AIX MARSEILLE UNIVERSITE
Fichiers à télécharger
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Mots Clefs
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